Les rues de Loitaceila étaient presque désertes, du moins en apparence. Grâce à ses sens aiguisés, l'inconnu savait qu'on l'épiait silencieusement dans les ténèbres des ruelles et derrière les fenêtres aveugles des habitations. Mais peu lui importait. La reine de Pandora l'avait fait demandé. Il avait un nouvel employeur et bientôt, il l'espérait, de nouvelles cibles. L'étranger marchait d'un pas lent et félin, sa longue cape noire claquait de temps à autre derrière lui, soulevée par une brusque bourrasque qui s'engouffrait dans les boyaux des rues. Un sourire carnassier étira ses lèvres tandis qu'un rayon de lune, échappé des nuages grisâtres qui cette nuit-là masquaient l'astre nocturne, tombait sur lui, révélant brièvement un jeune homme d'une vingtaine d'années aux traits si délicats qu'on aurait pu le prendre pour un elfe, si ses deux canines supérieures anormalement pointues n'avaient pas dépassées de sa bouche. Ses cheveux d'un bleu sombre frémissaient sous le vent et ses yeux émeraude brillaient d'une lueur démoniaque. Les nuages dévorèrent à nouveau la lune et le vampire replongea dans les ombres de la cité que ne trouaient ça et là que le halo jaune et craintif d'un réverbère ou d'une lanterne suspendue au-dessus du seuil d'une porte. Cette partie de la cité n'était composée que d'habitations, aussi les rues étaient-elles calmes, dénuées du moindre ivrogne ou mendiant. Cependant, notre vampire le savait, il devrait dans peu de temps quitter cette relative tranquillité pour s'aventurer dans les quartiers plus animés du centre et ainsi atteindre le coeur de Loitaceila... le château de la reine. Son sourire s'élargit. Il n'était pas vraiment d'humeur à se mêler à la masse des badauds qui traîneraient à coup sûr dans le centre de la ville, aussi il opta pour un moyen un peu plus sportif. D'un bond élégant, il se propulsa sur la barre de fer horizontale d'un réverbère. Il demeura quelques instants immobile, contemplant la cité qui se déployait de part et d'autre autour de lui. Il avait vu au cours de ses voyages d'innombrables pays et encore plus de villes qu'il ne pourrait en compter, cependant il trouvait un charme particulier à celle-là, sans qu'il put savoir pourquoi. Un autre saut et il attérissait sur le toit de tuiles rouges de la maison la plus proche. Il s'élança, sentant une pointe d’enthousiasme naître dans les cendres de son coeur. Il se sentait libre, invincible. De toit en toit, tel un spectre furtif et intangible, il continua sa route. Lorsqu'il aperçu enfin le château, Suu se figea et, d'un regard scrutateur, chercha celui qui était censé l'accueillir.