─ On ne peut pas la garder Manon. Ils vont la tuer. Il faut cacher cette magie ou notre lignée s’éteindra à tout jamais.

Deux corps debout dans une chambre gigantesque et tenue dans l’obscurité. L’un fait les cent pas de long en large. L’autre reste immobile, penché au-dessus d’un berceau où se tient, endormi, un bébé à l’air paisible.

─ Son père ne peut-il pas la garder jusqu’à sa majorité ?

Un grognement résonne dans la pièce, signifiant un non catégorique. L’ombre continu de caresser cette joue blanche et innocente de ses doigts malfaisants et teintés de rouge. Les pas continu de claquer.

─ Je pense avoir une idée …

Manon se retourne, sa robe sombre et affriolante se répandant sur le sol dans un murmure. Elle questionne du regard son conseiller. Celui-ci triture ses doigts, nerveux.

─ Parle Edgard !

Il sursaute et sa voix cassée résonne dans la chambre gigantesque.

─ Je connais deux époux dans le Caucase. Ils n’ont jamais pu avoir d’enfant. Je pense que ce serait le stratagème parfait … Mais promets-moi de ne pas essayer de la revoir. Jamais. Elle ne doit rien savoir.

Un dernier soupire et le sort de la gamine est scellé sans qu’elle en ai la moindre conscience.



***



Arabelle a donc été élevée à l’abri du monde. Dans des terres reculées ou les voyageurs se font rares tout comme les animations extérieures. Pourtant, cela ne lui a pas empêché de s’épanouir et de devenir la jeune femme qu’elle est. Certes elle est forcément moins intelligente ou cultivée que les autres, mais elle se débrouille. Elle a toujours eu cette passion pour les plantes et autres fleurs. Et il faut dire qu’avec toute la verdure qui se situe autour de chez elle, inutile de dire que le choix est là. Alors, elle passe ses journées de la sorte. A aller cueillir des fleufleurs en chantonnant comme un personnage de conte. Puis parfois elle se paume, non en fait ça arrive souvent ça. Elle n’a jamais souffert de cette vie en captivité, sans ouverture sur le « vrai » monde. Elle avait ses parents et cela lui suffisait. Sauf qu’un jour, alors qu’elle observait ses parents en cachette un soir d’hiver, elle surprit une conversation qu’elle n’aurait peut-être pas due :

─ Il parait qu’il travaille pour la Reine.

─ Oh, ce doit être un brave guerrier !

─ Son salaire doit être conséquent, c’est certain mais par les bruits qui courent, il est aussi un fervent Don Juan.

─ Oh … Il est connu de la Capitale ?

─ Oui, et même très bien. Je ne suis pas sûr qu’Arabelle puisse vivre avec lui.

─ Je refuse que ma fille aille vivre dans la maison de la débauche !

─ Toutefois, cela l’a ferrai avancer dans la vie, d’aller à Pandora. Et puis qui voudrait du mal d’une gamine comme elle ?

─ Oui, je sais bien mais … Et que va-t-il dire ?

─ Il n’aura pas le choix. Nous ne pouvons plus l’assumer financièrement. Les récoltes sont pauvres et l’argent ne rentre pas. Nous n’avons pas le choix.

La femme aux traits marqués et aux mains calleuses hocha la tête avant de sortir de table, apparemment écœurée. Arabelle partit une semaine plus tard pour la capitale et commença à découvrir la réalité bien plus étendue que ce à quoi elle s’attendait dans sa petite ferme du Caucase.