Aujourd'hui était un jour comme les autres. Nahële s'ennuyait. Son père s'occupait de la paperasse, sa mère lui manquait cruellement, Cheerokee était allongé à ses côtés, la tête posée sur ses cuisses. Mais aujourd'hui, surtout, Nahële se sentait étrangement mélancolique. Ou blasé. En fait, les deux. Il n'avait pas particulièrement envie de jouer avec son compagnon lupin. Il n'avait pas particulièrement envie de se promener non plus, et encore moins d'explorer l'île. Le jeune homme soupira longuement, et les yeux gris du canidé se relevèrent vers lui. Souriant vaguement, Nahële caressa le pelage doux.
« Désolé mon grand, la journée ne va pas être très intéressante... »
Comprenant que son familier lui pardonnait, son sourire s'étira et il s'allongea pour se rouler en boule contre le loup. Ils étaient dans une des innombrables prairies qui couvraient l'île de Draven, allongés au milieu de l'herbe folle, observant le ciel d'un bleu éclatant et les nuages blancs comme la neige. Il dirigea sa main vers un petit sac de toile, ressemblant à s'y méprendre à une bourse, et se redressa, interpellé. Cheerokee se releva à son tour, affichant une mine curieuse, sa tête légèrement penchée sur le côté.
« On a tout mangé, lui fit savoir Nahële en pouffant de rire. »
Effectivement, devaient se trouver dans le sachet quelques fruits séchés... Devaient. Nahële était très friand de ces friandises, et pour son plus grand étonnement, Cheerokee aussi, bien qu'il soit un loup et se nourrisse de viande crue. Nahële se rallongea, se recroquevillant contre son familier en fermant les yeux.
Le vent les berçaient doucement, et le prince comme son partenaire dormaient quasiment, quand un bruit d'herbe craquant sous le pied d'une personne les fit bondir. Malgré le fait que les habitants de Draven ne veuillent évidemment aucun mal à leur prince héritier, celui-ci était un peu paranoïaque, et n'aimait pas ne pas voir ceux proches de lui. Il se redressa, portant ses doigts vers la dague accrochée à sa cuisse, tandis que Cheerokee grognait sombrement. Ainsi cachés derrière les hautes herbes, ils purent voir...
Une jeune femme, habillée de noir et de rouge, se diriger vers eux. Elle avait de longs cheveux blancs, une peau pâle et des yeux couleur rubis. Et surtout, tout autour d'elle la magie noire suintait désagréablement. La reine sorcière. Argh, mais qu'est ce qu'elle faisait là, aussi éloignée de la ville ? Nahële attendit un peu, avant de se redresser, rangeant sa dague dans son fourreau et intimant à Cheerokee de se calmer, bien que celui-ci n'obéit pas et se plaça contre les jambes de son partenaire, comme pour le protéger. Akashi les avait vu, aussi Nahële prit la parole :
« Bonjour ! ... Si je peux me permettre, qu'est ce que vous faîtes ici, aussi éloignée de la ville ? »
Il ne savait pas si elle savait qu'il était le prince héritier ; ils ne s'étaient jamais vraiment vu, enfin, si, mais il était jeune.

Elle ne semblait pas particulièrement menaçante, mais Nahële ne pouvait s'empêcher de se montrer méfiant. Il serrait son poignard tellement fort dans sa main que ses phalanges en devenaient blanches, tandis que Cheerokee ne cessait de gronder, prêt à bondir sur l'inconnue. Nahële faisait tout ce qu'il pouvait pour empêcher le loup d'attaquer la reine sorcière. Si il effleurait ne serait ce qu'un seul de ses cheveux, elle le ferait chasser et tuer. Même, elle les ferait chasser et tuer. Nahële serra les dents, tendu. « Bonjour , prince de Draven . Je viens voir ton père aujourd'hui . J'ai quelques commandes pour lui , que j'aimerais faire en face-à-face . Est-il libre ? » Nahële releva un peu la tête de surprise. Alors elle savait qui il était ? Ou elle l'avait appelé comme cela juste en se fiant à ses déductions ? C'est vrai que peu de garçons de son âge connaissaient le visage de la Reine Sorcière... Il devait être le seul, en vérité. Le seul à connaître son visage, à savoir à quel point elle est dangereuse et à se montrer menaçant envers elle. Il ne répondit pas tout de suite, analysant avec soin sa question et faisant attention à bien choisir ses mots.
« Père est resté enfermé dans son bureau depuis l'aube, à remplir des papiers. Je ne sais pas si il a fini, mais j'imagine qu'il aura du temps à vous accorder... » Il se retint d'ajouter que de toutes façons, son père n'avait pas vraiment le choix. Si la Reine Sorcière voulait quelque chose, elle l'obtenait de suite, et si ce n'était pas le cas, des têtes tomberaient. Nahële ne voulait pas mourir. Il s'estimait trop jeune pour mourir. À part les enfants qui habitaient dans la "ville d'en dessous" (son père lui avait longuement raconté ce que c'était), qui avait une espérance de vie aussi limitée ? Même si certains s'en sortaient, apparemment. Enfin, bref, il reporta son attention sur l'albinos, dont il attendait la réponse, fébrile.